C’est une déclaration d’amour pour l’écriture, cette quasi pulsion vitale qui porte non pas seulement vers que l’on dit au fil des lignes, mais aussi vers son expression dans une forme qui marque et emporte l’oeil et l’oreille, qui capte et fascine même lorsque les mots empruntent la voix quotidienne, même lorsque les situations ne sont banales que par l’impression que nous pourrions les vivre nous-mêmes ; ou qu’à l’inverse les mots nous sont inconnus qui poussent au dictionnaire garde-trésors ou que parfois les scènes improbables ne peuvent être vécues que dans les recoins de la cervelle.
Relire, pour cela, le discours de réception du Prix Nobel de Littérature de 2006. C’est un délicat texte d’Orhan Pamuk dont l’art du récit, choix d’un fil original pour dévider ce qui serait banal chez d’autres, provoque le frémissement du stylo ou du clavier. Que voudrait dire WebOL d’autres sur l’auteur sinon de le lire ? Si l’oreille est curieuse des sons et des rythmes ce qui se devrait pour tout lecteur, écouter le début de sa propre lecture en turc, l’alitération du titre étant appauvrie dans sa traduction La valise de mon Papa : Babamın bavulu dit Pamuk.
En prime, voici la petite note d’un malade incurable de la littérature, Pierre Assouline. Les germanophones d’entre les lecteurs ont droit en sus à l’interview récent paru dans »Die Zeit » dans lequel, chose pas si courante, il est plus question de l’acte d’écriture et moins du méta-contexte politique certes riche, important mais périphérique dans lequel baignent l’auteur, ses livres et ses lecteurs : là, ses carnets de notes et de sa ville Istanbul. Les anglophones se régaleront sans réserve à écouter en ligne les entretiens et les interventions disponibles sur le site de la Fondation Nobel ; c’est parfois magnifique et l’on passe d’une langue à l’autre. Peut-être quelque lecteur est-il turcophone, pour y écouter le discours dans la langue originale. Peut-être le suédois est-il compris pour y suivre Horace Engdah, le malicieux secrétaire de l’Académie suédoise. Peut-être quelque lecteur connait le slovaque, pour vérifier ce que Le Monde présentait le 10 novembre 2006 comme un proverbe de ce pays : Plus tu connais de langues, plus tu es humain.
L’écrit est l’un de ces chants quelle que soit la langue: la littérature a parenté avec la musique, voix qui parle qu’on entend sans le vouloir et que l’on a envie d’écouter, de travailler et de porter alentour.
Pourquoi écrire ? Orhan Pamuk est un immense écrivain :
Why do you write? This is the question I’ve been asked most often in my writing career. Most of the time they mean this: What is the point, why do you give your time to this strange and impossible activity? Why do you write… You have to give an excuse, an apology for writing… This is how I have felt every time I’ve heard this question. But every time I give a different answer… Sometimes I say: I do not know why I write, but it definitely makes me feel good.
Pourquoi lire ? Parce qu’il neige.