La dite Préhistoire est une période d’une richesse folle, dont l’appréhension est l’exemple même de la pluridisciplinarité en dialogue. Le petit opuscule de Marc Groenen (ULB) spécifiquement sur le Paléolithique en rend magnifiquement compte dans la collection « Idées reçues » aux éditions Le Cavalier Bleu. Il s’agit de prendre des idées communes et pour le moins restrictives pour ne pas dire fausses, non pas d’y opposer un simple non superficiel mais de mettre en perspective (pré)historiographiquement les enjeux méthodologiques et quelques grandes trouvailles.
Des domaines ? La paléoanthropologie (pour identifier les caractéristiques anatomiques), la paléopathologie (pour identifier des maladies ou des lésions présentes sur les restes humains fossiles), la paléopalynologie (pour reconstituer le couvert végétal aux différents périodes préhistoriques en étudiant les pollens fossiles), l’anthracologie (pour déterminer les essences végétales grâce à l’analyse des parcelles de charbon de bois), la carpologie (pour identifier les fruits et les graines mises à jour dans les gisements), l’archéozoologie (pour déterminer des espèces animales dans les niveaux d’occupation) non sans oublier, ajoute MG, les sciences de la terre (géologie, pédologie) pour comprendre l' »histoire naturelle » du gisement considéré. Ajoutons la taphonomie (pour étudier les phénomènes de dégradation ou de transformation des objets en matière organique ou minérale).
Ces notes, au passage, pourraient resservir. Voici les dates acceptées aujourd’hui pour quelques grandes séquences temporelles dans l’espace européen, sous-entendu avant Jésus-Christ :
– Le Paléolithique : 2 millions d’années-9 000 ans.
– Le Mésolithique : 8 000-4 000 ans.
– Le Néolithique : 6 500-3 300 ans.
– Le Chalcolithique, ou Âge de cuivre qui débute la « Protohistoire » : 4 000-2 000 ans.
– L’Âge du Bronze : 2 500-1 000 ans.
– Le premier Âge du fer, période de Hallstatt : 800-500 ans.
– Le second Âge du fer, période de La Tène : 400-0 ans.
Pour résumé, le site de MC donne le cadrage :
Mes recherches se concentrent sur l’univers cognitif et socioculturel de l’homme du Paléolithique. Deux pratiques complémentaires sont exploitées pour une meilleure compréhension des comportements techniques et des productions mentales et métaphysiques : la documentation archéologique et l’étude des manifestations esthétiques.
À l’encontre des « idées reçues » sur la préhistoire, j’ai tenté de montrer que les sociétés de l’homme de Néandertal au Paléolithique moyen et de l’homme de Cro-Magnon au Paléolithique supérieur possédaient déjà des modes de vie largement sédentaires, comportements traditionnellement réservés à l’époque du Néolithique. Les groupes pratiquaient des échanges sur de longues périodes : des matières premières, acquises en quantités parfois importantes, ont été stockées et transformées par des artisans spécialisés dans le traitement de l’ivoire, des matières siliceuses, de la terre cuite ou du bois de renne. Outils, armes, parures et œuvres d’art se retrouvent parfois à plusieurs centaines de kilomètres de leur point d’origine, confirmant ainsi l’étendue des relations entre groupes. Les matières et les objets n’étaient pas seuls à voyager : des modèles (thèmes iconographiques des figures féminines gravettiennes) et des systèmes de pensée (schémas opératoires dans le débitage lithique) ont également connu une diffusion sur des territoires distants de plusieurs centaines de kilomètres. Il apparaît donc que ces sociétés se trouvaient au centre d’un véritable système économique.
L’approche de la métaphysique, comme système de pensée, se fait au travers de l’étude de l’art pariétal et mobilier. J’ai tenté de montrer que la disposition des motifs était commandée davantage par des particularités naturelles de la paroi et par la conformation des réseaux souterrains que par des impératifs imposés par des « structures » mentales inconscientes. Le rôle capital de l’éclairage employé à l’époque permet de mettre en évidence l’interaction intime des représentations et des structures de la cavité. La grotte ne peut donc plus être considérée comme une succession de « panneaux » ornés, mais comme un espace architectural aménagé et balisé par l’homme du Paléolithique supérieur, dans lequel les animaux représentés en animation nous guident dans notre parcours. Mes derniers travaux soulignent l’existence de plusieurs systèmes esthétiques dont il est possible de dégager les singularités. La découverte de traces d’actions rituelles (bris, dépôts, prélèvements…) et de destructions symboliques de figurations m’a conduit à voir dans la grotte ornée un lieu où s’exprime une métaphysique complexe, dont le « décor » pariétal ne constitue que la partie congrue. À cet égard, la figuration de créatures composites animales et humaines – identiques dans des régions différentes et aux mêmes époques – démontre l’existence de thèmes iconographiques qui renvoient à des êtres surnaturels connus dans des zones géographiques étendues.
A suivre.
& :
– Centre de Recherche Archéologique (ULB, BE) | Le site de MG, avec 2 conférences enregistrées : « L’humanité de l’homme et ses représentations ». La question des origines relancée ; « Le singe descend de l’homme ».
– Hist., etc. | Techné & Science (WebOL).