Le reporter qui a tant plongé dans, puis écrit sur le génocide rwandais connait l’Afrique. Son dernier roman en date, Où en est la nuit chez Gallimard, parle d’Ethiopie et de ses marches, des coureurs et des générations mais aussi de qui savent voyager dans les blessures du monde, comme de lui-même peut-être.
Le texte n’est pas formellement original ; il n’est pas moins pertinent pour rendre sobrement le goût et le poids des lieux. Dans la bouche d’Ayanleh, le désert sec est si bien rendu grâce aux chameaux que l’on ne sait de quel portrait sont ces lignes, de lui-même ou du lieu, ou des souvenirs de l’auteur :
(…) ce sont des animaux très posés. Ils savent attendre, mais ils n’attendent rien, ils fatiguent très lentement sans jamais connaître l’épuisement. Ils ne pensent jamais à s’évader. (…) Ils savent bien qu’ils sont nés dans la poussière et ils vont sans limite dans le désert. Ils ne s’égarent jamais dans les risées des dunes. Il savent que le mauvais sort se perdrait à les y chercher. Ils ne peuvent se rassasier de l’immensité qui se propose à leurs yeux. Ils en craignent rien la terrible tempête de sable, mais qui la craindrait pas ? Les chameaux, ils se sentent supérieurs dans le sable, et ils se montrent en paix avec eux-mêmes. Ils voyagent à des semaines de marche,mais pour eux, le plus lointain est toujours chez eux. Ils ignorent la gourmandise, ils ne sont pas rongés par la convoitise comme les autres. Voilà bien leur secret, pourquoi ils paradent, très calmes.
& :
– Paul Bowles: The Desert and Solitude (Edmund White, in New York Review of Books with a paying access).
– Luc dans la Corne (EcritOL).