Graphisme technique (3)

Seront publiés ici des bouts de thèse, laquelle est disponible en fichiers séparés via WebOL ; ces extraits doivent en donner la substance, sans l’appareil de notes : « La Matière et l’Action : Le graphisme technique comme instrument de la coordination industrielle dans le domaine de la mécanique depuis trois siècles ».

La conclusion est souvent la première chose à attraper dans une oeuvre non-fictionnelle ; poursuivons ainsi.

& :
– Conclusion – 1. Comment naît la conception.
– Conclusion – 2. La nouveauté en question de la CAO.

 La pratique de la CAO impose-t-elle une rupture radicale ?
| Conclusion – 3. Nous n’avons pas parlé de coopération

La coopération n’est pas une notion que nous avons utilisée. D’une certaine manière, la coopération —le fait de faire ensemble— est plus vieille que la coordination, liée à la division du travail (pour coordonner, il faut deux entités qui se partagent une partie du travail). Telle est notre approche de la révolution industrielle : ce qui est en jeu, n’est pas l’apparition de la fabrication à grand volume (la construction navale n’en est pas une, par exemple) ni même la fabrication mécanisée (il existe des machines autrement plus vieilles : le moulin à vent, etc.) mais bien le fait que celui qui conçoit n’est plus celui qui fabrique. L’industrie, dans notre optique, n’apparaît pas à un moment précis mais, selon les domaines d’activité, lorsque que la fabrication ne se suffit plus à elle-même, lorsqu’il faut inventer des formes d’échanges, donc des objets intermédiaires. La coordination peut se définir, in fine, comme une mise en commun pour construire quelque chose (une conception, par exemple), à partir d’éléments épars (savoirs, instruments, acteurs). La coopération, elle, ne se réduit pas forcément à l’ajustement mutuel de Mintzberg : il s’agit plutôt d’une confrontation autour d’un objet, d’un projet commun ; ce que permet le graphisme technique.

En somme, la coordination explicitée, mise en avant, investie dans des instruments et immergée dans des modes d’organisations particuliers (groupes projets, par exemple), mise en forme dirons-nous au sens d’« investissement de forme » de Thévenot, ressemble à ce que Jeantet évoque sous le terme de coopération. Quoi qu’il en soit, la coopération est une forme de coordination : la coopération n’est pas nouvelle —c’est la différence majeure avec de Terssac et al.— mais elle est regardée autrement. Bien plus, aucun des éléments que nous tentons ici de décrire n’est nouveau : cependant leur combinaison, ainsi que la suprématie de certains d’entre eux (comme la gestion technique), le sont.

Considérons Taylor, figure majeure d’une approche prescriptive dans laquelle il n’y a pas de place pour la coopération —inutile—. De nombreux études soulignent qu’il y a forcément des adaptations, des traductions locales : nous dirons, nous, que le système taylorien-fordien ne fonctionne pas parce qu’il évacue les questions de coopération, d’ajustements, mais parce que niées dans la théorie, elles réapparaissent dans la pénombre des pratiques.

Au final, nous serions prétentieux de répondre de manière définitive à la question liminaire : sommes-nous en train de changer de paradigme industriel ? A la place du terme « rationalisation de la conception », selon Sardas, nous avons préféré, dans la partie III, celui d’« explicitation de la coordination » pour deux raisons : la première est que nous préférons ne pas employer le terme de rationalité par simple analogie à « rationalisation de la fabrication » car, si nous suivons Piore, qu’il y a probablement un changement dans la nature même de rationalité ; la seconde est que notre objet n’est pas la conception, mais les relations incessantes entre la conception et la fabrication (i.e. la coordination industrielle, pour nous).

(…)

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