Joseph Haydn

Plus que pour Bach-père, il est utile de répéter à satiété qu’Haydn, Joseph, est d’une puissance créatrice folle que l’âge n’entama pas -tout comme Messiaen parmi d’autres encore moins connus du large et indistinct public-.

L’une des dernières œuvres, les Saisons (Jahreszeiten) est une avalanche de pierres précieuses, une mer de bijou de la première clé à la double barre, d’une diversité mélodique et harmonique servant un texte enlevé. Il y a 201 ans mourait un génie moins connu que Mozart.

& :
JH (MusicUs), pour les oreilles.
JH (Klassika/de), pour le catalogue.
JH-Institut (Köln, DE), pour la culture.

Tchaïkovsky

Contre des a-priori sur un style ou un autre, à ne jurer que par Schubert dans le Romantisme, le seul remède est d’ouvrir ses oreilles pour distinguer les grands des petits orchestrateurs, les immenses des bons compositeurs.

La Quatrième symphonie a tout du chef-d’œuvre, par des trouvailles surprenantes telles les seuls pizzicati du troisième mouvement, une écriture faussement classique qui créé des assonances durables comme le dialogue entre le hautbois et les cordes  dans le second, ou l’ostinato des cuivres dans le premier et le quatrième.

On l’écoute ? MusicUs ? Oui-Da !

On peut l’imaginer arpentant seul des notes en tête le chemin de rivage à Pärnu dans une baie étalée de la Baltique, aujourd’hui en Estonie où se trouve une plaque silencieuse rappelant qu’il aimait passer ses étés. L’on peut y revenir avec des mots encore à trouver.

W. A. Mozart

Il faut imaginer des pièces dont aucune note est inutile, où la précision rythmique est d’autant plus importante que chaque note isolée est comme modeste, où l’apparente facilité entr’ouvre un vaste champ des possibles pour le chant des timbres. Il est à savourer cette étonnante modernité d’une économie de moyens donnant des effets si riches de dynamique et de dialogue entre les instruments. Il est rare qu’un compositeur fascine à ce point le public profane et les musiciens eux-mêmes.

Il faut écouter par exemple le concerto pour piano n°20, KV 466, en tonalité mineure (ré, ici) qui accentue la beauté des intervalles : merci MusicUs qui en propose plusieurs interprétations.

Il est d’autres chefs-d’oeuvre des grandes années, comme la Symphonie concertante où s’allient le violon et l’alto, comme certains concertos pour violon où le soliste a un grain de voix humaine, comme les quatre grands opéras dans lesquels la moindre mélodie ne lasse pas de surprendre après une quantité indénombrable d’écoutes.

(Clin de clic aux I.).

Jean Sibélius

Ce quelque chose de surprenant, ces mélodies ensorcelantes, comme l’envoutement d’un pays d’eau et d’horizons, harmonisées de manière plus intéressante que son style apparemment néo-romantique pourrait laisser présumer.

Il y a par exemple la Ballade de Karelia qui peut courir des heures dans les tympans ainsi que la Fille de Pohjola (kiitos MusicMe), le Cygne de Tuonela et Luonnotar comme autres poèmes symphoniques, le premier mouvement fort connu du Concerto pour Violon, le second mouvement de la Symphonie n°3.

Ensorcellement d’un espace sans fin, où la neige n’a pas qu’un seul nom sur des palimpsestes de vent et où le double soleil berce la nuit claire à la pointe du Golfe de Bothnie ? Écouter peut donner envie d’écrire.

(Clin de clic à JMF).

Cécile de lumière

Ce 22 novembre avec Henry Purcell, rien de moins cette année, peu de choses plus lumineuses que ces paroles si fabuleusement mises en musique :

« Hail! Bright Cecilia, Hail! fill ev’ry Heart!
With Love of thee and thy Celestial Art;
That thine and Musick’s Sacred Love
May make the British Forest prove
As Famous as Dodona’s Vocal Grove.

(…)

The Airy Violin
And lofty Viol quit the Field;
In vain they tune their speaking Strings
To court the cruel Fair, or praise Victorious Kings.
Whilst all thy consecrated Lays
Are to more noble Uses bent;
And every grateful Note to Heav’n repays
The Melody it lent.

(…)« 

S’endormir avec cet air-ci et se réveiller avec le même swing persistant dans le crâne, rien qui ne soit plus moderne que cette partition du XVIIe siècle que l’interprétation de Marc Minkowski et consorts magnifie. Grâce aux images, l’on voit combien la musique est aussi affaire physique (respiration, regard, balancement, sourire) :

« Wondrous Machine!
To thee the Warbling Lute,
Though us’d to Conquest, must be forc’d to yield:
With thee unable to dispute
. »

Pas une ride depuis 18 siècles, depuis 1 année, Cécile l’ensorcelante.

(Merci ML&WS).

MusicEverybody

Imaginons pouvoir écouter de la musique en ligne (en streaming), pouvoir la télécharger au format souhaité et avec la qualité requise (mieux donc que du MP3 courant) et avoir le droit de profiter d’un vrai choix.

Il est d’autres boutiques plus fournies, et plus agréables et faciles de consultation (plus ergonomique, dit-on) comme celle frappée de la Pomme mais MusicMe.com vaut la découverte ; citons :
« Fichiers 100% compatibles » : PC, Mac, iPod, iPhone, baladeurs MP3, clés USB, téléphones, autoradios, etc.
– « Format et qualité » : MP3 (de plusieurs qualités), AAC, Lossless (sans compression), etc.
– « Gravez en toute liberté » : fichiers copiés sur CD sans contrainte et sans limite.

Le rêve, peut-être ? Passionnant à étudier de second degré que ce rêve : économie de la chose, diversité du support, qu’est-ce-que la qualité, nouvelles pratiques mélomaniaques, etc. Mais cette mélomanie y trouverait bien son compte gageons-le, un rêve qu’il semblerait : comment comparer des interprétations différentes…

(Merci à GO).

Who reads hears more

Musique avec les yeux, au titre d’un billet d’à-côté ; c’est aussi affaire de lecture. L’allemand peut être utile, par exemple pour suivre subjugués les symphonies de Mahler truffées d’indications (« ohne eilen » pour ne pas presser, « etwas zurückhaltend » pour retenir quelque peu comme un ritardendo…) ou pour plonger dans l’abondante activité éditoriale germanique.

Les éditions Schott proposent un petit opuscule joliment intitulé l’Art de la lecture de partition. Qui lit écoute plus dont une double page est consultable sur écran et téléchargeable et à commander gratuitement « solange der Vorrat reicht« .

De l’art de l’écoute en fait, pour saisir les moindres détails et les mouvements d’ensemble : « Die Kunst des Partiturlesens

Eine Partitur enthält den gesamten Notentext eines Musikwerkes, damit der Dirigent und jeder, der sich näher mit dem Stück beschäftigen will, genau nachvollziehen kann, was das Orchester oder das Ensemble spielt. Dabei sind die Instrumente so angeordnet, dass alle Noten, die zur gleichen Zeit erklingen, genau untereinander stehen.

Partituren helfen beim Hören, Begreifen und Interpretieren von Musikliteratur. Wer nur zuhört, erkennt viele kostbare Kleinigkeiten nicht, die beim Mitlesen nach ein wenig Übung regelrecht sichtbar werden. Der Kompositionsstil und die Charakteristik eines Werkes lassen sich mit der übersichtlichen Partitur schnell begreifen – das ist nicht nur Grundvoraussetzung für jede Analyse, sondern auch für das eigene Spiel.« 

Musique avec les yeux

C’est affaire de corps pour sûr, de souffle et d’yeux, de doigts et de bras et de dos, de ventre.

Imaginons un air, un accompagnement, des timbres qui ne quittent jamais complètement les tympans : le Nisi Dominus (RV 608 « IV. « Cum Dederit ») d’Antonio Vivaldi, par Andreas Scholl et des instrumentistes moins connus ; voilà YouTube dans ce qu’il a de meilleur à présenter partitions et sons. Il y a ce quelque chose d’art graphique magnifique, spectacle en soi comme l’un des plus non figuratifs d’entre les clips ; abstraits, parlants selon que l’on est musicien ou non, mais toujours mélomane.

Le corps n’évacue jamais la musique, n’est-ce pas, les timbres et les rythmes restent et demeurent en soi chez qui y est sensible ; il y a aussi le Ständchen (Sérénade, D920) de Franz Schubert dans un billet voisin chez MusicOL. Certains la dansent, d’autres l’écrivent, d’aucuns la photographient, tous l’écoutent.

Musique avec les yeux, vraiment ? Demandez à Igor Stravinsky, qui dirige des prunelles

(Merci à un autre d’entre les plus proches).

Geister der Musik u. der Literatur

Certains lieder ou mélodies sont plus beaux que leur texte dont ils comme embellissent le style, qu’ils transfigurent ; d’autres parviennent à être à la hauteur, la musicalité de l’un se nourrissant de celle de l’autre. Parfois, le texte littéraire a son rythme et ses sonorités propres que la musique magnifie, chacun contribuant au chef-d’œuvre comme la meilleure des recettes culinaires. Rien n’indique que seule la musique dite classique puisse toucher cette grâce, parvienne  à cet alliage des notes et des mots qui fonde aussi les plus grandes chansons.

Invitons-nous, par exemple, à la rencontre de Goethe et de Schubert : Gesang der Geister über den Wassern (Chant des esprits sur l’eau, D714), dont l‘illustration YouTube n’est, elle, pas au niveau mais elle offre du moins une traduction anglaise.

Menschen Seele
Gleicht dem Wasser:
Vom Himmel kommt es,
Zum Himmel steigt es,
Und wieder nieder
Zur Erde muß es,
Ewig wechselnd.

Strömt von der hohen,
Steilen Felswand
Der reine Strahl,
Dann stäubt er lieblich
In Wolkenwellen
Zum glatten Fels,
Und leicht empfangen,
Wallt er verschleiernd,
Leisrauschend
Zur Tiefe nieder.

Ragen Klippen
Dem Sturz entgegen,
Schäumt er unmutig
Stufenweise
Zum Abgrund.

Im flachen Bette
Schleicht er das Wiesental hin,
Und in dem glatten See
Weiden ihr Antlitz
Alle Gestirne.

Wind ist der Welle
Lieblicher Buhler;
Wind mischt vom Grund aus
Schäumende Wogen.

Seele des Menschen,
Wie gleichst du dem Wasser!
Schicksal des Menschen,
Wie gleichst du dem Wind!

(Franz Schubert + Johannes von Goethe).

Comme le souligne Elektra en aparté un soir de partage puis par électrons en puissance 10, le début de la seconde strophe a des harmonies du XXe siècle, ce quelque chose qui peut appeler dans l’oreille intérieure Poulenc ou Bartok. Pour d’autres lieder, tel Ständchen (Sérénade, D920) il y a comme une fugue au début de la seconde strophe ou comme Das Grab (La tombe, D569) où avancent les accords dans l’écriture verticale d’un choral à la JSB.

Un autre chef-d’oeuvre des mêmes Esprits (Geister) ? Der Erlkönig (Le Roi des Aulnes, D328) par Dietrich Fischer-Dieskau…

Franz Schubert

Personne d’autres sinon Mahler ne marie langue, mélodie et harmonie à ce niveau d’ensorcellement. Ils ont tous deux ceci de génial qu’ils trouvent une forme pour parler des pires drames, pour les sublimer et pour hypnotiser l’amateur de notes et de mots.

Exception, Ständchen (Sérénade, D920) est comme apaisé, un rien mélancolique mais sans la noirceur de nombre d’autres chefs-d’oeuvre :

Zögernd, leise,
In des Dunkels nächt’ger Hülle
Sind wir hier.
Und den Finger sanft gekrümmt,
Leise, leise,
Pochen wir
An des Liebchens Kammerthür.

Doch nun steigend,
Schwellend, hebend,
Mit vereinter Stimme, laut
Rufen aus wir hochvertraut:
Schlaf du nicht,
Wenn der Neigung Stimme spricht!

Sucht’ ein Weiser nah und ferne
Menschen einst mit der Laterne;
Wie viel seltner dann als Gold,
Menschen uns geneigt und hold?
Drum, wenn Freundschaft, Liebe spricht,
Freundin, Liebchen, schlaf du nicht!

Aber was in allen Reichen
Wär’ dem Schlummer zu vergleichen?
Drum statt Worten und statt Gaben
Sollst du nun auch Ruhe haben.
Noch ein Grüßchen, noch ein Wort,
Es verstummt die frohe Weise,
Leise, leise,
Schleichen wir uns wieder fort!

(Franz Grillparzer + Franz Schubert)

Chut : juste notes & paroles pour les lecteurs de portées (with english translation if needed). Chut, quelque chose comme une déclaration d’amour à la langue allemande.

A la seconde minute ici, le « Sucht’ ein Weiser nah und ferne » de relance du choeur polyphonique coupe le souffle ; un canon d’une explosion de Ré, puis d’un bref  Do dièse qui fait courir toutes les oreilles qui guettent la soliste (alto) d’un La lumineux. Peut-on ensuite dormir sinon apaisé ? A condition de tout réécouter une fois encore, si le risque n’était de continuer l’écoute pour les Lieder avec un accompagnement plus fourni que le piano : par exemple, Gesang der Geister über den Wassern (D714).

& :
Schubert Autographen (manuscrits), Neue Schubert Ausgabe (nouvelle édition).
– @musicOL : Listening Writing qui se conclut par An die Musik, Stravinsky de feu, l’oiseleur Messiaen, la Passion intense de Bach, etc.
– @ecritOL : Lumières & Sons.

(Zur Erinnerung an eine Mahlzeit am Abend mit Elektra und ihrem Kaninchen).