Neige

Au soir nocturne d’un retour en train passablement en retard, WebOL avait tourné la dernière page. Peu importe que cela fût joyeux ou terrible, le roman était refermé qui l’avait rendu otage consentant. L’intérêt de ce grand livre ne résidait pas dans le seul récit, ni même dans le style mais dans l’unicité de sa voix ; ce qui fait que l’on ne peut trouver ailleurs le même rythme et le même enivrement. A chaque lecture, il pouvait en accumuler une nouvelle, et une autre encore, et telle mise en abîme, et cette remarque qui lui venait à l’esprit alors qu’il faisait tout autre chose que lire, et cette métaphore qui renvoyait à un autre passage, et cette nouvelle dimension non soupçonnée.

C’est que WebOL venait entre L* et V* de refermer Neige d’Orhan Pamuk. Il n’est pas possible de quitter un tel livre dont le voyage ne relève pas des kilomètres de narration (menée entre Kars, à la frontière turquo-russe, et Frankfurt/Main en Allemagne) mais de la multiplicité des trames. En pensant à tant d’autres chef-d’oeuvre dévorés et d’autres à venir (tant que les yeux seront ouverts), WebOL se rappelait avec gourmandise qu’il est des livres dont il lui importe peu qu’ils soient sombres ou gais : leur texte demeure, nous habitant.

D’autres tas de mots attendent de guingois sur la table de nuit ses heures à changer de voix : WebOL souhaite le même plaisir à quiconque, et ose inviter à passer chez EcritOL qui adore les flocons.

Edit 2013-11

Il neige heureusement de nouveau fin 2013 comme les années précédentes (ce billet fut initialement publié en 2013-06, certes un mois sans). C’est peut-être de nouveau l’heure de la littérature turque, chez Publie.net.

Doris Lessing

Today (2013-11-17), the news of Doris Lessing’s passing away is known. It is high time to move the following post (2008-05) on top. The following links have just been picked on the fly:

DL, 2008

La récipiendaire du Nobel de littérature prend la suite de quelques plumes ou claviers qui ont littéralement fasciné WebOL, ces dernières années de lecture : Günter Grass (sa fondation / Stiftung), J. M. Coetzee, Imre Kertész, Gao Xingjian et Orhan Pamuk. D’autres mériteraient aussi le Prix (@Lavoisy/Net > Privé > Littérature), peu importe pour les lire : Jaan Kross, par exemple.

Nobel Prize DL’s page + her Nobel’s interview by phone the day after.
The Guardian about it.
The New York Times about it.
– Libé titrant La rebelle au Nobel.
Bel entretien dans une édition récente du Monde des Livres.
DL – A retrospective:

This web site is a labor of love (…) basically a « catalog » of her books, with a scan of the cover and portrait of her (if there was one) and the description of the book from the jacket.

Nooteboom Wor(l)dwide

How to write about Cees Nooteboom, so keen to roam around the world and dive into a large bunch of languages? Dutch is not mastered at all, German would be too unstable for a proper post, French wouldn’t be understood if any dutch reader’d pass by.

Let’s follow what can be read in Nomad’s Hotel (according to this post from the Joys of Living blog, as the CN’s book Nootebooms hotel is yet to be read),

‘Why do you do so much travelling?’ This is the question Cees Nooteboom has been asked most often. In ‘In het oog van de storm’ (In the eye of the storm), the opening essay of Nootebooms Hotel (Nomad’s Hotel, 2002), he quotes Ibn al-Arabi, a twelfth-century Arabian philosopher, who wrote that a voyage ‘is so called because it reveals people’s characters, or, to put it more simply, for the person who travels alone: On a journey you get to know yourself.’ From the same essay: ‘Maybe the real traveller is always in the eye of the storm. The storm is the world; the eye is that with which he views it. In the eye it is quiet and anyone who is in that place can make out things that pass by people who stay at home.’

Words and worlds are intertwined, as CS speaks in as least as many languages:
– Native Dutch: about his recent writings about the history and mind of Europe, curated by SPUI25.nl.
– English: about his The Foxes Come At Night in a double-part interview (part 1 + part 2) by MacLehose Press.
– German: reading himself his Schiffstagebuch, curated by Suhrkamp.
– Spanish: for whoever passers-by understand it, in a long interview by Radio Netherlands Worldwide (RNW – Radio Nederland Wereldomroep).

And languages are not tangled with words only. He writes books with his wife Simone Sassen, who is a photographer. Quoting the Joys of Living blog once more:

‘The travel writer may best be compared to a photographer,’ wrote Nooteboom in 1982 in the Holland Herald, KLM’s in-flight magazine. ‘Photography is a more intense way of “looking”. No photographer simply travels. He cannot allow himself the luxury of just looking around. He does not see landscapes; he sees photographs, images of reality as it might appear in a photograph.

&:
Werken van CN (Digitale Bibliotheek voor de Nederlandse Letteren).
CS chez WebOL, principalement en français – Pourquoi voyager ? | La nuit vivent les mots | C. Nooteboom + J. M. Coetzee | Roth x Coetzee | Nooteboom cum laude | Le sceau de Nooteboom.
Foxes – Renards ? Une note ici-même en français sur le livre La nuit viennent les renards (‘s Nachts komen de vossen).
Photography & travel – Photographie & voyage ? Luc en français aussi chez EcritOL.

(Clin de clic à lLNdV).

Le Plat Pays espiègle

Avec sa gouaillerie des mots et des images choisies, Jacques Brel réécrit son Plat Pays dans une veine festive. Plaisons-nous à imaginer que Cees Nooteboom, polyglotte invétéré jamais en manque d’allusions culturelles, connaissait cette version-là en écrivant son superbe roman Dans les montagnes des Pays-Bas (In De Bergen Van Nederland).

Les versions disponibles en ligne souffrent d’une orchestration décevante, alors que les mots mêmes chantent dans une kermesse à la Bruegel quand se jetterait au travers de la toile ce cher Till (Tijl), espiègle n’est-ce pas (Eulenspiegel, Uilenspiegel). Ce serait presque à lire plutôt qu’à écouter, en ajoutant l’accent flamand comme il le faut :

{Refrain:}
Ça sent la bière
De Londres à Berlin
Ça sent la bière
Dieu ! Qu’on est bien
Ça sent la bière
De Londres à Berlin
Ça sent la bière
Donne-moi la main

C’est plein d’Uylenspiegel
Et de ses cousins et d’arrière-cousins
De Bruegel l’Ancien
C’est plein d’vent du nord
Qui mord comme un chien
Le port qui dort, le ventre plein

{au Refrain}

C’est plein de verres pleins
Qui vont à kermesse comme vont à messe
Vieilles au matin
C’est plein de jours morts
Et d’amours gelés
Chez nous y a qu’l’été
Que les filles aient un corps

{au Refrain}

C’est plein d’finissants
Qui soignent leurs souvenirs
En mouillant de rires
Leurs poiluchons blancs
C’est plein de débutants
Qui soignent leur vérole
En caracolant de « 
Prosit ! » en « Skoll !« 

{au Refrain}

C’est plein de « Godferdomme« 
C’est plein d’Amsterdam
C’est plein de mains d’hommes
Aux croupes des femmes
C’est plein de mémères
Qui ont depuis toujours
Un sein pour la bière
Un sein pour l’amour

{au Refrain}

C’est plein d’horizons
A vous rendre fous
Mais l’alcool est blond
Le diable est à nous
Les gens sans Espagne
Ont besoin des deux
On fait des montagnes
Avec ce qu’on peut

Ça sent la bière
De Londres à Berlin
Ça sent la bière
Donne-moi la main.

& :
Till Eulenspiegel Museum (Schöppenstedt, DE) | TE / TU – Wikipedia.FR – Wikipedia.NL – Wikipedia.DE – Wikipedia.EN.
Plat Pays ? | Cees Nooteboom ? – (WebOL).

Le Sacre en communion

La musique n’est rien moins que physique, de l’air et de corps ; affaire de souffle et d’yeux, de doigts et de bras et de dos, de ventre : il suffit d’en jouer pour s’en rendre compte, ou d’observer intensément des musiciens. Les danseurs en sont d’excellents exégètes, pensons à Angelin Preljocaj, à Anne Teresa de Keersmaeker (ce qu’en dit EcritOL) et, nous le verrons, à Maurice Béjart (à Michael Jackson aussi, dans son genre). Les mots aussi peuvent en dire le pouls et le parfum, ces rythmes et ces timbres ; certains écrivains mêmes rédigent non pas en musique mais sur, mais avec la musique.

Il était une fois une expérience littéraire au nom de Vases communicants : « Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. »

Pour la cuvée de juin 2013, EcritOL proposait Le Sacre du Printemps à Isabelle Pariente-Butterlin, regardant aux bords de ses mondes. Deux textes furent rédigés sans autre concertation qu’un titre pour mots-clés : des rythmes et des timbres si différents se sont révélés au jour dit, d’une commune passion mélomaniaque irréfragable.

Isabelle Pariente-Butterlin, l’invitée qui comprend Béjart qui avait compris Stravinsky, aux rythmes heurtés jusqu’à l’explosif :

C’est la vie. La vie qui se lève. Elle se répand. Elle aurait pu ne pas, on n’attendait pas, et pourtant on savait. C’est la vie revenue. (…)

EcritOL, l’invitant :

La pluie ébroue l’herbe drue qu’un vent de vallée mouillée peint en vert depuis des jours. Les chaussures des randonneurs doivent se colorer d’auréoles sombres ; les gouttes de plus en plus piquantes tapotent au plat des vitres, puis éclatent en flaques sur le pare-brise, pour ruisseler le long du gros capot. (…)

& :
Les écrits d’IPB-l’invitée (édition Publie.net) | EcritOL-l’invitant.
Musique en plein corps | Listening Writing – (MusicOL).
Lumières & Sons (EcritOL).

Philippe Jaccottet

Aligner les mots, souvent désordonnés dans un carnet qui garde l’embrun et les photons des jours, ne fait pas une oeuvre littéraire. Le caractère décousu ne peut suffire comme alibi créatif. Philippe Jaccottet, lui, a sélectionné des notes rédigées entre 1952 et 2005 pour son Tâches de soleil, ou d’ombre.

La voix est harmonique d’un bout à l’autre, et suit des intérêts de portée différente entre des lectures, des rencontres, des événements si personnellement pudiques et quelques jugements plutôt honnêtes (mais incomplets) sur des semblables (par exemple, René Char) ; elle est tantôt narrative mais distancée, tantôt descriptive mais comme engagée dans le cours des choses souvent alpines, depuis les rivages du Lac Léman. La lecture en est happée, butinant dans un désordre chronologique.

Ceci du 19 janvier 1995 :

Une grosse planète dans les branches nues du tilleul, bas sur l’horizon, à la fin de la nuit; Et comme il y a de la gelée blanche, l’herbe craque sous les pas ; je ne sais pourquoi ce bruit, cette sensation ont quelque chose d’agréable ; cela doit être lié à la fraicheur ; ou à celle d’une brise qui ne serait pas douloureuse, au contraire ; un peu comme quand on rompt le pain ? Ou cette sorte de bonheur se rattacherait-il au souvenir, d’ailleurs purement livresque mais pas moins intense pour autant, de la débâcle des rivières ? Se serait-on alors, tant soit peu, senti aux pieds les sandales du Printemps ?

D’où vient cet appel quasi-hypnotique de ces pages imprimées-là, en ouvrant un exemplaire publié par Le Bruit du temps ? Après vérification dans l’ours, la fonte choisie est Caslon, l’une des plus élégantes pour l’impression.

(Clin de clic à lLNdV).

& :
PJ qui resplendit dans l’effacement par Pierre Assouline | PJ ? (Poezibao).
Caslon (MyFonts).

Translating is to make love with the world

The newly Works that work magazine, edited by typographer Peter Biľak, offers an excellent interview of Linda Asher, former fiction editor at The New Yorker and translator of Milan Kundera’s French works : Translation is a human exchange (no full access online, though).

For a translator, all reading is of course nourishing and essential for a working lexicon of dictions, experience and information. When I am engaged in a particular book project, I often read around it widely and intensively –for the period, for the world it comes from, or perhaps to broaden my sense of the author’s own range of reference and culture. (…) When I first read a text for translation, it is to learn its nature: whether the text is gloomy or lifting, sharp-tonguered or exuberant. I look for the meaning, the sound of the text, the song, which to say the style, and my goal would be to find the English to answer in kind.

Translating is to write, thus to play music with words.

What I appreciate in a good translation is a competence in both languages; attention to the argument or plat so that a reader’s experience is not disrupted by missteps or a tin ear; a sense that the song of the original has been brought across by a translator who can sing it…. We all are pleased to read a significant work even when it has some faults, but there is a special pleasure when you can feel the matching of rhythms, of tones, between author and translator. And I think that can probably be sensed even in work from an unfamiliar tongue –a verse, a sureness.

All this is rather common. Let’s read though the next paragraph, which is more original that the mere Traduction Trahison (as in French) :

Translation is a kind of impersonation, I think. As a translator and as a self, I am keen to observe the world consciously, and to notice dialogue, notice dialect, notice personal styles of speech, notice tics. If you have  a large enough library of this kind of experience, and if you have made yourself specifically aware of it, you’ve got many pages of experience to riffle through and decide whether you have the appropriate English available for the book at hand. It is important to have a very broad English, access to all sorts of English, to get the character of a text. So reading and being out in the world are very important for any writer, but maybe especially for a translator. I think that an encased and enclosed life probably doesn’t give you the chance to do this well.

Translating is to make love with the world. We might safely bet that Svletana Geier and Lydia Davis would agree.

& :
Translating translated translation | Svletana Geier | Lydia DavisTraduction ? – (webOL).

Translating translated translation

In a New York Review of Books essay (2012-04), Coetzee writes witfully about a new translation of The Sufferings of Young Werther (Die Leiden des Jungen Werthers) by Goethe.

Corngold’s scholarly concern about anachronism raises a wider issue: With works from the past, how should the language of the translation relate to the language of the original? Should a twenty-first-century translation into English of a novel from the 1770s read like a twenty-first-century English novel or like an English novel from the era of the original?

Werther—the 1774 version—was first translated into English in 1779. The translation is usually attributed to Daniel Malthus, father of the economist, though there are grounds to doubt this. By today’s standards Malthus’s Werther is an unacceptable piece of work: not only has it been translated at second hand, through an intermediate French Passions du jeune Werther, but passages have been omitted, perhaps because Malthus thought they would offend his public. Nevertheless, Malthus’s version affords us a window into how Werther was read in the England of Goethe’s time.

So what? The issue is wonderfully appetizing.  Goethe did translate texts from Ossian, but to update Goethe’s piece would maybe to update Ossian’s one as well, thus to transform the original text of Goethe.

In Europe the question of authenticity had no purchase. Translated into German in 1767, Ossian had a huge impact, inspiring an outpouring of bardic imitations. The young Goethe was so smitten that he taught himself Gaelic in order to translate directly into German the specimens of Scots Gaelic he found in The Works of Ossian. The early Schiller is full of Ossianic echoes; Hölderlin committed pages of Ossian to memory.

The most obvious way of translating Werther’s German Ossian into English is by reproducing the English original. This procedure, however, nullifies the numerous changes Goethe made to his source. Goethe normalizes locutions that sound dialectal or ornamentally archaic or simply eccentric; he clarifies the logical relations between sentences by inserting conjunctions; he elides phrases that do no work; he brings down to earth lofty locutions (thus “ascends the deep” becomes simply “rows”); he improves on bland phrasing (“those that have passed away” becomes “grave-dwellers”); he regularizes Macpherson’s irregular (pseudo-Gaelic) word order; he interprets enigmatic Gaelic idioms rather than just reproducing them; and he does some mild bowdlerizing (“white-bosomed Colma” becomes “pale Colma”).

Enjoy reading in as many languages, dans la mesure du possible, and praise the translator’s art. Well, the newly Works that work magazine, edited by typographer+ Peter Biľak, offers an excellent interview of Linda Asher, former fiction editor at The New Yorker and translator of Milan Kundera’s French works : Translation is a human exchange (no full access online).

& :
Svletana Geier | Lydia Davis | Translating is to make love with the world | Traduction ?  | Coetzee ? | Goethe ? (WebOL).

Ferveur à pied

Imaginez vous préparer à rencontrer la Corne de l’Afrique. Les guides de voyage s’éparpillent au salon pour prodiguer des conseils pratiquo-sanitaires, offrir quelques rudiments d’amharique afin de répondre aux sourires de quelques mots ânonnés. Un livre plutôt lourd ne pourra être du voyage ; vous l’ouvrez avec la main curieuse l’effeuillant lentement…

Éthiopie. La ferveur et la foi, d’Élisabeth Foch et Paola Viesi, vous emporte dans la chrétienté et l’islam, pied à pied avec les pèlerins. Les uns se rendent à Lalibela pour fêter Ledet, la naissance du Christ début janvier lors du Noël orthodoxe ; les autres au mausolée de Sheik Hussein pour célébrer le lendemain d’Arafat, commémorant le sacrifice d’Abraham et son alliance avec Dieu. Chacun des lieux est un monde vers quoi marchent des Éthiopiens.

Au fil des pas, vous sentez les parfums et le pouls du pays. Page après page vous marchez dans la mémoire du pays sans rien de chronologiquement didactique. L’écart entre spiritualité et gestes quotidiens s’estompe chapitre après chapitre. Le goût de l’ingera semble sortir du papier. Vous découvrez la manière de se saluer, épaule contre épaule, qui vous deviendra familière sous peu.

« Pour entrer en résonance avec l’histoire des Éthiopiens, il faut emboiter les pas à tous ces infatigables voyageurs qui déroulent leur histoire au rythme de la marche. Sur leurs chemins signés de tant de va-et-vient, on pressent une sagesse archaïque qui s’échine à donner au temps une allure d’éternité. »

Vous tenez à pleines mains un grand livre dont le texte, l’iconographie, la mise en page des Éditions de l’Imprimerie Nationale (distribution Actes Sud), l’impression même sont soignés. Vous l’offrez à ceux qui restent, mais vous ne le prêtez pas : il doit demeurer dans la bibliothèque pour le retour, pour toujours.

Et vous partez (Un fil de la trame, EcritOL), laissant ces mots et ces images vous poursuivre.

Mots sans illustration

Ouvrir quelques pages de Julien Gracq rappelle que les textes n’ont pas forcément besoin d’images, et que les mots mêmes les génèrent par la force du rythme et du lexique. Cet extrait de Carnet de grand chemin est invitation au voyage, à l’écriture et au sommeil apaisé peut-être auquel, aussi, peut convier un thé blanc :

Estuaire de la Somme, pays du miroitement et de la brume, où les linéaments de la terre à vau-l’eau se réduisent dans le paysage à quelques pures et minces lignes horizontales, mangées par les reflets de lumière, et dont la légèreté irréelle fait songer à un lavis chinois. Près de la mer, longues nappes de vase réfléchissantes, courant se fondre dans le gris et la nacre d’huitre de la Manche, où la Somme essore paresseusement sa trainée liquide comme la pellicule d’eau qui draine le fond de la baignoire mouillée. Dans la platitude humide pointent seulement quelques huttes de chasseurs de canards. Et le paysage lui-meme est semblable au cri du canard : solitude trempée des eaux plates, ouate grise, odeur de sauvagine, froid cru et stagnant du matin mal réveillé. (…)

La musique elle-même n’a pas forcément besoin d’images, ni la photographie de mots.

& :
Littérature ?Julien Gracq ? | Musique ? | Photographie ? (webOL).