Philippe Jaccottet

Aligner les mots, souvent désordonnés dans un carnet qui garde l’embrun et les photons des jours, ne fait pas une oeuvre littéraire. Le caractère décousu ne peut suffire comme alibi créatif. Philippe Jaccottet, lui, a sélectionné des notes rédigées entre 1952 et 2005 pour son Tâches de soleil, ou d’ombre.

La voix est harmonique d’un bout à l’autre, et suit des intérêts de portée différente entre des lectures, des rencontres, des événements si personnellement pudiques et quelques jugements plutôt honnêtes (mais incomplets) sur des semblables (par exemple, René Char) ; elle est tantôt narrative mais distancée, tantôt descriptive mais comme engagée dans le cours des choses souvent alpines, depuis les rivages du Lac Léman. La lecture en est happée, butinant dans un désordre chronologique.

Ceci du 19 janvier 1995 :

Une grosse planète dans les branches nues du tilleul, bas sur l’horizon, à la fin de la nuit; Et comme il y a de la gelée blanche, l’herbe craque sous les pas ; je ne sais pourquoi ce bruit, cette sensation ont quelque chose d’agréable ; cela doit être lié à la fraicheur ; ou à celle d’une brise qui ne serait pas douloureuse, au contraire ; un peu comme quand on rompt le pain ? Ou cette sorte de bonheur se rattacherait-il au souvenir, d’ailleurs purement livresque mais pas moins intense pour autant, de la débâcle des rivières ? Se serait-on alors, tant soit peu, senti aux pieds les sandales du Printemps ?

D’où vient cet appel quasi-hypnotique de ces pages imprimées-là, en ouvrant un exemplaire publié par Le Bruit du temps ? Après vérification dans l’ours, la fonte choisie est Caslon, l’une des plus élégantes pour l’impression.

(Clin de clic à lLNdV).

& :
PJ qui resplendit dans l’effacement par Pierre Assouline | PJ ? (Poezibao).
Caslon (MyFonts).

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