A parcourir ces pages dans le recueil des oeuvres poétiques intégrales, l’on vient à penser que Blaise Cendrars est un immense voyageur de l’alphabet, et qu’il avait si justement raison en répondant à Pierre Lazareff qui voulait savoir qu’il avait réellement emprunté le Transibérien : « qu’est-ce çà peut te faire, puisque je vous fais prendre à tous« . Il n’importe pas de savoir où il est allé pour lire ses lignes, alors que Nicolas Bouvier le pérégrin ne peut vivre que là-bas et même temps ici, à sa table d’écriture au bord du Lac Léman. BC bourlingue, pour emprunter au reportage disponible à l’INA ; Nicolas Bouvier part là-bas sans jamais revenir complètement, demeure ici sans disparaître jamais totalement. BC a la liberté linguistiquement formelle du poète.
En ces temps là j’étais en mon adolescence
J’avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance
J’étais à 16 000 lieux du lieu de ma naissance
J’étais à Moscou, dans la ville des mille et trois clochers et de sept gares
Et je n’avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours
Car mon adolescence était alors si ardente et si folle
Que mon coeur, tout à tour, brûlait comme le temps d’Ephèse ou comme la Place Rouge de Moscou
Quand le soleil se couche.
Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.
Et j’étais déjà si mauvais poète
Que je ne savais pas aller jusqu’au bout.(…)
Ainsi s’amorce sa Prose du Transibérien et de la petite Jeanne de France (dédiée aux musiciens), que BC semble avoir écrit dans un trait fulgurant comme ses autres poèmes lyriques, aussi rapidement que Nicolas Bouvier prenait des années pour achever ses grands textes.
Tous deux étaient helvètes du monde, et eurent une interprétation absolument disjointe en voyageant en écrivant.
(Clin de clic la LNdV).
& :
– Nicolas Bouvier ? (LitteraturOL).